
20 Oct Protégés par les masques, les français baissent la garde sur le lavage des mains
Alors que le débat sur l’obligation du port de masque a saturé l’espace médiatique, un effet pervers serait sous-estimé.
Les français aurait, en moyenne, baissé la garde sur la fréquence du lavage des mains, geste barrière pourtant primordial dans la lutte contre la propagation du Covid-19.
C’est ce que des mesures menées sur le terrain par notre bureau d’études en hygiène ont montré. Ces conclusions confirment la tendance décrite dans l’enquête IFOP publiée jeudi dernier. Mais les résultats quantitatifs sont plus inquiétants et mettent également en lumière d’importantes disparités.
Des résultats plus alarmants avec les mesures quantitatives
Par rapport au début de la crise, la baisse mesurée de fréquence du lavage des mains est de -35 % en moyenne. Nos données quantitatives indiquent ainsi un relâchement encore plus fort que celui indiqué dans le sondage IFOP.
Une raison possible ? Les réponses purement déclaratives des sondés souffrent généralement d’un biais de désirabilité sociale. Il s’agit d’un comportement consistant à se montrer sous une facette positive lorsque l’on est interrogé, observé, etc…
Par exemple, à une question du type « vous lavez-vous les mains après être allé aux toilettes ?», le sondé aura tendance à répondre davantage par l’affirmative au sondeur.
Le dispositif sur le terrain au plus près des français
Contrairement à de nombreux acteurs du marché, notre société Hydrocool et son bureau d’études en hygiène existaient avant la crise du Covid-19. Depuis l’arrivée de la pandémie, nous avons dimensionné et installé plusieurs centaines de bornes de distribution de gel hydroalcoolique.
D’une part dans des typologies d’établissements très variés : sièges sociaux, agences, espaces de coworkings, hôtels, etc…
Et d’autre part auprès d’organisations aux cultures et aux sociologies très différentes : Leclerc, Le Crédit Mutuel, Renault, Intercontinental, les établissements Relais & Chateaux, le Centre d’Etudes Atomiques (CEA), le parc d’exposition de Bordeaux, etc…
Les données centralisées : une « tour de contrôle » pour mesurer le lavage des mains des français
A l’origine, ces bornes ont l’originalité d’inclure des messages de communication interne ou bien publicitaires permettant aux établissements d’obtenir un gain financier grâce à cet équipement.
C’est à ce titre que notre bureau d’études estime sur chacune des installations le « trafic » et le nombre de « vus » de ces affichages à travers notamment la consommation de recharge de gel dont il est l’unique fournisseur. La consommation de recharges, ramenée aux nombre de visiteurs, peut être analysée sur de nombreux établissements.
C’est cette spécificité qui nous permet aujourd’hui de collecter des données également exploitables à des fins sanitaires. Nos données pourraient être perfectibles mais elles sont aujourd’hui suffisamment significatives statistiquement. Leur centralisation nous permet de jouer le rôle de « tour de contrôle » du lavage de mains des français : il est donc de notre responsabilité d’alerter sur le relâchement de ce geste barrière.
Des disparités géographiques : les empreintes du traumatisme de la première vague
Nous avons également observé une disparité géographique significative concernant la baisse du lavage de mains entre :
-d’une part les habitants de l’ïle de France et du Grand Est : une baisse proche des -20%
-d’autre part les habitants du sud et de la façade ouest : une baisse proche des -40%
Cette différence s’explique selon nous par « l’empreinte psychologique» laissée par la première vague de l’épidémie sur ces populations. Lors du premier pic de l’épidémie, les habitants de l’Ile de France et du Grand Est ont été de près ou de loin dans leur entourage confrontés à davantage de personnes malades, hospitalisées ou décédées.
D’où un traumatisme plus important et un respect plus grand de tous les gestes barrières par la suite, contrairement aux populations habitant dans des zones préservées.
Il est à noter que le rebond observé depuis la rentrée n’a pas (encore) eu d’impact aussi significatif sur la mortalité que lors de la première vague.
Analyse complémentaire de notre bureau d’études sur les autres disparités des comportements et leurs causes probables
Au-delà des mesures quantitatives, notre bureau d’étude en hygiène a également mené une enquete plus qualitative. Nous avons tenté d’émettre des hypothèses et des pistes de réflexions sur les causes principales de ce relâchement afin d’éclairer les pouvoirs publics.
Des comportements extrêmes à l’image du grand écart entre les « pro-alarmistes » et les « pro-rassuristes »
Les entretiens menés montrent qu’il existerait un fossé qui se creuse entre deux comportements extrêmes :
-d’un côté, des personnes qui appliquent de plus en plus scrupuleusement les gestes barrières dont le lavage de main. C’est le cas des personnalités plus disciplinées ainsi que des milieux qui ont été plus au contact de l’épidémie (personnel soignant, journalistes…). Cette tendance s’illustre aussi de manière plus anecdotique par l’essor d’applications ou de montres connectés qui permettent de s’assurer de la bonne fréquence du lavage de main.
-de l’autre côté, des personnes sceptiques face à la gravité annoncée de la situation. Parmi elles, les anti-masques ou les « pro-rassuristes » qui pensent qu’on en fait trop. Contraintes de porter un masque malgré elles, elles compensent par l’abandon du lavage de main. Une manière inconsciente ou non d’affirmer sa rébellion et de rester congruent.
Entre, on trouve une catégorie intermédiaire majoritaire qui a également fait preuve d’un relâchement. Notre bureau d’études a notamment identifié deux causes :
-d’une part le phénomène de « licence morale » suite au port du masque obligatoire (cf. hypothèses dans le paragraphe ci-dessous).
-d’autre part, peut-être, la détorioration de l’image du gel hydroalcoolique (cf. paragraphe encore plus bas)
Au final, il semble donc que le premier groupe très discipliné ne suffise pas à enrayer le relâchement du lavage de main du groupe le plus sceptique et du groupe majoritaire intermédiaire.
Le port du masque obligatoire : l’effet pervers de la « licence morale »
Un phénomène que les psychologues appellent la « licence morale » ou « l’effet de compensation morale » pourrait expliquer le relâchement sur le lavage des mains au moment où le port du masque obligatoire a été mis en place.
« Les recherches récentes montrent qu’une bonne action pourrait contribuer à désinhiber l’individu en lui permettant d’entreprendre des actions moins souhaitables par la suite. Par exemple, le choix d’une salade (un aliment a priori sain) en entrée pourrait légitimer chez l’individu le choix d’un dessert trop gras et trop sucré, dont il se serait abstenu s’il n’avait pas, au préalable, fait le choix de l’aliment sain (Wilcox et al. [2009]). » (source)
Appliqué au cas des gestes barrières, le port du masque obligatoire jouerait donc le rôle de « la bonne action » qui désinhiberait alors l’individu sur les autres gestes barrières, avec notamment un relâchement sur le lavage de mains.
L’image du gel hydroalcoolique entâchée de plusieurs scandales
Les personnes réticentes face au lavage fréquent de mains font également allusion aux différentes controverses qui ont entâché l’image du gel hydroalcoolique :
-d’une part, il a été relaté que des projections causées par des distributeurs de gel hydroalcoolique à pédales ont abîmé les yeux de plusieurs enfants.
(NB : notre bureau d’études a depuis le départ proscrit ce type d’équipement en privilégiant des distributions sans contact. Au-delà des risques de projections, nous considérons que ces équipements ne sont pas en adéquation avec la loi de 2005 sur l’accessibilité des personnes en fauteuil roulant)
-d’autre part, la forte demande sur le gel a suscité un engouement rapide de la part des industriels. Ainsi, certains gels de mauvaise qualité voire dangereux ont été hâtivement mis sur le marché, entraînant des rappels de produits dans le meilleur des cas mais sinon des irritations, brûlures et problème de peau. Sur les réseaux sociaux notamment, il a donc été dit par généralisation que l’usage fréquent du gel hydroalcoolique pouvait être nuisible.
Une surmédiatisation du port du masque au regard du lavage des mains
La pénurie de masque au début de l’épidémie, puis son port rendu obligatoire ainsi que les différentes controverses ont permis au sujet du masque, plus visuel que celui du lavage des mains, d’être extrèmement couvert par les médias.
A l’inverse, bien que les journalistes aient évidemment détaillé les gestes barrières, y compris le lavage de mains avec du savon ou du gel hydroalcoolique, la visibilité médiatique de ce sujet a été complètement « masquée », c’est le cas de le dire, par le sujet du port du masque.
Les données Google France en témoignent :
-Mots clés « Port du masque », catégorie « actualité » : 18 400 000 résultats.
-Mots clés « Lavage des mains », catégorie « actualité » : 155 000 résultats seulement.
Un rapport de 1 à 100 qui montre que la visibilité médiatique sur internet aurait donc été très largement en faveur du port du masque au détriment du lavage des mains.
De l’importance de ce geste barrière : 80% des infections sont manuportées
Au sein de la société Hydrocool, en tant que bureau d’études en hygiène, il est de notre ressort de rappeler l’importance primordiale du lavage des mains pour stopper la propagation d’une épidémie : 80% des infections sont manuportées. De multiples études démontrent le rôle primordial de ce geste barrière dans le cas du Covid-19, comme la récente étude COMETE (source).
Sans pour autant relâcher les efforts sur le port du masque, nous souhaitons à travers cette étude alerter les pouvoirs publics et les médias sur la nécéssité de soutenir encore la communication sur l’ensemble des gestes barrières sans provoquer des effets pervers et non souhaités en se focalisant de manière démesurée sur un seul d’entre eux.
Pour en savoir plus sur l’étude et l’analyse menée de la société Hydrocool :
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